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La Syrie perd une génération

NEW YORK – «Je sais vraiment ce qu’on ressent quand on est un enfant dans un pays déchiré par la guerre comme la Syrie et qu’on ne peut pas aller à l’école», explique Ahmad Samir, 15 ans, qui vit à Kaboul, lors d’un rassemblement organisé par la Fondation des Nations unies à New York le 27 septembre 2015.

Avec son collier indiquant «acteur du changement» et ses sandales traditionnelles, l’adolescent est un ardent défenseur du droit à l’éducation pour tous. Ahmad déplore le fait que la moitié des enfants en Afghanistan ne sont pas inscrits à l’école, «en particulier les filles, parce que nous ne disposons pas d’enseignantes», ajoute-t-il. «S’il n’y a plus de guerre, dit-il, avec espoir. Nous serons en mesure d’ouvrir plus de portes pour l’éducation.»

L’impact de la guerre sur les enfants est l’un des problèmes les plus critiques pour l’avenir d’un pays. Près de 3 000 kilomètres de l’Afghanistan, la guerre qui fait rage en Syrie a déplacé plus de quatre millions d’enfants, principalement dans les pays voisins du Liban, de la Jordanie et de la Turquie, selon les dernières statistiques de l’ONU. C’est une «crise aux proportions bibliques», a estimé l’Envoyé spécial de l’ONU pour l’éducation mondiale au début du mois de septembre 2015.

Les réfugiés syriens constituent aujourd’hui le plus grand nombre de personnes déplacées jamais enregistré, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. En 2014, ce chiffre a atteint 50 millions pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.

Depuis le début du conflit syrien en 2011, afin de contester l’autorité du président Bachar al-Assad, près de la moitié de la population — 11 millions — a dû fuir le combat. La moitié sont des enfants de moins de 18 ans.

«Les zones de conflit où il y a beaucoup d’enfants sont les endroits du monde où nous avons le plus de difficultés à atteindre les Objectifs de développement durable», explique Carolyn Miles, Directrice générale de l’organisation humanitaire Save the Children, au cours d’une réunion organisée par la Fondation des Nations unies le 27 septembre 2015. Elle fait référence à l’ensemble des objectifs internationaux de développement des Nations unies à atteindre à partir de la fin de l’année.

Mme Miles rappelle que les écoles en Syrie sont contraintes de fermer à cause de la guerre. Le pays avait un taux de scolarisation de près de 100%. Aujourd’hui pourtant, la moitié des enfants réfugiés syriens ne sont pas inscrits à l’école. En d’autres termes, plus de 2,6 millions d’enfants syriens n’ont pas été dans un établissement d’enseignement ces trois et quatre dernières années, selon l’UNICEF.

Pour les chanceux qui ont trouvé asile à l’étranger, ils doivent s’adapter à un nouveau programme scolaire, souvent dans une autre langue ou dans un format différent. À titre d’exemple, le ministère de l’Éducation du Liban exige désormais que les enfants syriens réfugiés fournissent une attestation scolaire adéquate afin d’aller à l’école. Cependant, la plupart de ces réfugiés ont échappé au conflit sans de tels documents.

Tout aussi inquiétant, ces jeunes êtres sont amenés à travailler, être exploités et se marier à un âge précoce. Un rapport publié par Save the Children et l’UNICEF en juillet 2015 souligne le fait que les enfants syriens contribuent au revenu du foyer dans 75% des familles interrogées. En Jordanie, près de la moitié des enfants syriens — parfois âgés de six ans seulement — sont un soutien financier majeur au sein de leur famille. Ils gagnent généralement de 4 dollars à 7 dollars par jour.

Dans les pires cas, ces enfants prennent part à la guerre ou à des activités illégales. Ils sont aussi régulièrement exploités sexuellement.

La crise syrienne illustre les défis auxquels fait face la communauté internationale en raison du nombre croissant de migrants sur la planète. «Pour la première fois, la question des réfugiés est au centre du débat», explique Antonio Guterres, Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés à New York le 27 septembre 2015.

«La différence [avec les années précédentes] est qu’en 2015, les réfugiés pour la première fois sont venus massivement dans les pays développés, ce qui explique pourquoi il y a maintenant autant d’attention sur le sujet», ajoute-t-il. Pourtant, 86% des réfugiés sont établis dans des pays en développement, selon les données publiées par l’agence pour les réfugiés de l’ONU.

«Être un réfugié ou un immigré, c’est d’abord penser à sa survie, et non pas avoir une entreprise ou d’aller à l’école», explique Lina, une Irakienne de 15 ans, qui est née et a grandi au Danemark. Son père a déménagé en Europe après avoir été soldat pendant 12 ans en Irak. «Il a décidé qu’il pouvait mourir demain s’il restait», dit-elle.

 

Cet article a été publié dans The Huffington Post le 1 octobre  2015. Cliquez ici.

 

Kamilia Lahrichi

Kamilia Lahrichi is a foreign correspondent and a freelance multimedia journalist. She's covered current affairs on five continents in English, French, Spanish and Arabic.

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