L’Argentine se révolte contre la violence faite aux femmes
BUENOS AIRES – Le 3 juin 2015, des centaines de milliers de personnes ont protesté contre le taux alarmant de violence à l’égard des femmes en Argentine.
Il y avait un féminicide – ou homicide volontaire d’une femme car elle est femme – toutes les 35 heures de 2007 à 2012 dans la nation sud-américaine, selon l’organisation locale La Casa del Encuentro, à Buenos Aires. En 2014, il y avait 277 meurtres de femmes en Argentine.
Les manifestants ont défilé du congrès national jusqu’à l’emblématique Plaza de Mayo, la place principale en face du palais présidentiel. Les organisations locales ont convoqué cette manifestation avec le slogan «assez de féminicides, pas une de moins» («basta de femicidios, ni una menos», en espagnol). Hommes, femmes et enfants tenaient des banderoles avec les noms et les photos de femmes qui ont succombé à la violence machiste.
«Deux choses sont primordiales: l’éducation sexuelle et le droit à l’avortement pour toutes les femmes», a déclaré Magdalena Moyano, une féministe retraitée de 73 ans. En Argentine, l’avortement est illégal sauf si la femme souffre d’un trouble physique ou mental.
Le meurtre de Chiara Páez, une adolescente de 14 ans, enceinte, dans la province de Santa Fe, dans le nord-est de l’Argentine en mai 2015, a initié un dialogue sur la violence sexiste. Son petit ami l’aurait assassiné. La police a trouvé le corps de la jeune fille enterré dans la cour de celui-ci.
L’Amérique latine est la région la plus meurtrière au monde, selon un rapport de 2012 par l’Organisation des Nations Unies. Avec les Caraïbes, la région accueille plus de la moitié des 25 pays ayant les taux les plus élevés de féminicide, selon le Small Arms Survey, un organisme de recherche du gouvernement suisse à Genève. Malgré les lois qui criminalisent la violence à l’égard des femmes, le Salvador a le nombre le plus élevé de femmes assassinées sur la planète, soulignait l’organisation en 2012. Le Guatemala et le Honduras se placent en troisième et sixième positions, respectivement.
En Amérique latine et dans les Caraïbes, les meurtriers de femmes demeurent impunis car les systèmes judiciaires sont corrompus, l’application de la loi est laxiste, et tant les juges que la police manquent de motivation et d’intérêt. En outre, les meurtres de femmes sont liés au crime organisé, au trafic de drogue et à la traite des personnes, en particulier dans une région historiquement en proie à la violence.
En mai 2015, un groupe de 25 hommes ont battu et brûlé à mort une adolescente de 16 ans dans un village au Guatemala, sous les yeux d’une foule en délire et de la police. Elle est suspectée d’avoir fait partie d’un gang qui aurait tué un chauffeur de taxi. Une vidéo de son lynchage a été publiée sur les médias sociaux jusqu’à ce que YouTube le retire.
Les pays d’Amérique latine n’ont fait que très peu de progrès dans la lutte contre la violence sexiste. La Bolivie – le pays d’Amérique du Sud avec le plus fort taux de violence domestique – et l’Équateur ont défini le féminicide comme un crime spécifique dans leur code pénal. Le Guatemala a créé des unités de procureurs et des tribunaux spécialisés afin de lutter contre la violence à l’égard des femmes.
Pourtant, bien que des chiffres exacts sur les meurtres de femmes soient difficiles à trouver, la violence sexiste ne cesse d’augmenter, selon des organisations locales et internationales. «Nous avons besoin de statistiques officielles pour élaborer des politiques efficaces et d’un budget suffisant pour mettre en œuvre ces politiques», a dit Mabel Bianco, présidente de la Fondation pour l’étude et la recherche sur les femmes à Buenos Aires.
Cela requiert, avant tout, la réforme d’une culture «macho» omniprésente, ce qui exacerbe l’impunité contre les femmes. «La violence contre les femmes est liée au patriarcat, qui est une forme d’organisation politique, économique et sociale fondée sur l’autorité et de l’homme […] sur la femme», a expliqué Marcela D’Angelo, membre de la campagne abolitionniste, une organisation féministe de Buenos Aires. «Les peines [pour les criminels] sont minimes car la justice est trop patriarcale, ce qui alimente le cycle de violence», a t-elle ajouté.
A titre d’exemple, la police considère souvent les féminicides comme des crimes passionnels afin de minimiser l’atrocité de ces horribles. En novembre 2014, un jeune homme jaloux a abattu sa petite amie de 19 ans, María José Alvarado, qui avait été élue Miss Honduras. Selon les enquêteurs, il aurait agi après l’avoir vu danser avec un autre homme lors d’une fête.
Cet article a été publié dans The Huffington Post le 7 juin 2015. Cliquez ici.