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La Chine courtise les latins

Le président chinois Xi Jinping est arrivé dimanche au Venezuela afin de signer des accords commerciaux bilatéraux pour l’export de matières premières. Le Venezuela est un marché clé pour Pékin en termes d’investissements énergétiques et de projets financiers.

De même qu’en Argentine, la visite de Xi va permettre de faciliter davantage un accès de la Chine aux ressources naturelles afin de soutenir son économie en plein essor. C’est également un moyen pour Pékin de poursuivre sa montée en puissance en Amérique latine, traditionnellement considérée comme « l’arrière-cour » des États-Unis.

Xi et la présidente argentine Cristina Fernández de Kirchner ont signé 19 accords dans les domaines de la finance, l’énergie, l’infrastructure, l’agriculture, le commerce et la coopération culturelle.

Les contrats les plus importants sont un projet d’échange de devises de 11 milliards de dollars, un investissement de 4,7 milliards de dollars afin de construire deux barrages hydroélectriques en Patagonie, ainsi qu’un projet de rénovation de 2,09 milliards de dollars d’un chemin de fer délabré, crucial pour le transport de marchandises.

L’année 2014 marque le dixième anniversaire de la relation stratégique entre la Chine et l’Argentine. Pékin est le deuxième partenaire commercial de Buenos Aires, après le Brésil. En outre, le commerce bilatéral est passé de 4 107 milliards de dollars en 2004 à 16,86 milliards de dollars en 2013, selon la Chambre des exportateurs argentins.

Raccourcir la chaine de production

La plupart des investissements chinois dans le domaine de l’infrastructure en Argentine de même qu’en Amérique latine ont pour objectif d’accroître l’efficacité du transport des marchandises jusqu’en Chine. En effet, comme la plupart des matières premières sont cultivées à l’intérieur des pays, la construction ou l’agrandissement de terminaux, ports et chemins de fer, ainsi que la modernisation d’équipements sont nécessaires pour la Chine afin de sécuriser le transport de marchandises jusqu’à ses ports.

Ainsi, la rénovation du chemin de fer Belgrano Cargas en Argentine est clé pour la croissance de Pékin. Ce réseau ferroviaire de près de 10.000 kilomètres, considéré comme les « veines du pays », relie 17 des 23 provinces de la nation ainsi que le port de Buenos Aires. De plus, il transporte ciment, charbon, métaux, bois, sucre, céréales, eau et vin.

L’Argentine est un important exportateur de produits agricoles vers la Chine: elle était le principal pourvoyeur de Pékin en huile de soja et huile d’arachide en 2013. L’Argentine possède d’abondantes ressources naturelles et c’est le troisième producteur mondial de soja et de maïs. Ce sont deux ressources essentielles pour le géant asiatique qui a peu de terres arables par habitant.

En outre, « l’Argentine est un tremplin pour la Chine afin d’investir en Amérique du Sud», a souligné Sun Bai, président du Conseil d’administration de la China Machinery Engineering Corp., lors d’un forum sur la coopération économique entre la Chine et l’Argentine à Buenos Aires le 19 juillet. Le colloque a rassemblé près de 150 délégations d’hommes d’affaires chinois qui voyagent avec Xi.

Yuan, la nouvelle monnaie sur le marché

Révélateur de l’ambition de la Chine de stimuler l’investissement ainsi que de s’imposer comme une puissance financière en Amérique latine, les banques centrales des deux pays ont signé un accord d’échange de devises. Il permet à la Chine et à l’Argentine d’échanger des devises locales jusqu’à près de 11 milliards de dollars (70,000 milliards de yuans ou 90,000 millions de pesos argentins).

L’Argentine peut donc financer les importations chinoises en yuans, ce qui la soulage considérablement, car l’État argentin a peu de réserve de dollars américains. Il souffre de ne pas pouvoir faire appel aux institutions financières internationales, car il a refusé de rembourser ses créanciers détenteurs de titres sur lesquels le pays a fait défaut en 2001.

Accords gagnant-gagnant

Pour les pays d’Amérique latine, Pékin est un partenaire commercial majeur qui offre un soutien économique et politique à un coût relativement faible. De plus, il ne fixe pas de conditions politiques ni morales.

À titre d’exemple, l’Argentine achète du matériel ferroviaire à la Chine en échange de prêts de 10 à 12 ans de banques chinoises avec un taux d’intérêt intéressant et les deux premières années de gratuite, a expliqué Ernesto Fernández Taboada, directeur exécutif de la Chambre de commerce Argentine-Chine.

Pékin fournit également une source alternative de financement pour les pays jugés « paria » des marchés financiers internationaux et réticents à commercer avec les États-Unis, tels que le Venezuela et Cuba.

« Sans aucun doute, il y a une consolidation de la relation entre la Chine et l’Amérique latine. Cela s’inscrit dans le cadre de l’agenda politique de l’Amérique latine depuis la rupture avec l’ordre néolibéral au début de ce siècle. Il s’agit […] d’approfondir les relations Sud-Sud de même que les liens entre les puissances émergentes,» a déclaré Fernanda Vallejos, conseillère au sein du ministère de l’Économie et des Finances de l’Argentine.

Le nouveau patron est dans l’estancia

Depuis dimanche, le président chinois rend visite au Venezuela, un marché clé pour la Chine en termes d’investissement énergétique et de projets financiers afin de signer davantage d’accords. Xi conclura ensuite sa tournée régionale le 23 juillet à Cuba, son partenaire idéologique depuis que les troupes de Fidel Castro prirent le pouvoir en 1949.

L’influence de la Chine est, sans conteste, en plein essor en Amérique latine. La cour que Xi fait à ses prétendus latins a considérablement renforcé les relations entre Pékin et les pays riches en matières premières.

« Les longues distances n’effacent point les amitiés intimes, » a t-il souligné, citant un ancien poème chinois.

 

Cet article a été publié dans le Huffington Post Québec le 22 juillet 2014. Cliquez ici.

 

Kamilia Lahrichi

Kamilia Lahrichi is a foreign correspondent and a freelance multimedia journalist. She's covered current affairs on five continents in English, French, Spanish and Arabic.

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