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Argentine: Scandales de corruption

BUENOS AIRES — Une vague de scandales de corruption rocambolesques secoue l’Amérique du Sud et notamment l’Argentine. L’ancienne présidente Cristina Fernandez de Kirchner, soupçonnée de corruption, a comparu devant le tribunal fédéral Comodoro Py dans la capitale argentine, le lundi 31 octobre 2016.

Plusieurs milliers de personnes se sont réunies aux portes de la cour afin de la soutenir. À son arrivée dans une voiture blanche blindée, la foule est en liesse. «Je viens de la voir,» crie une femme qui pleure d’émotion. Une heure avant sa comparution, des vendeurs ambulants s’installent le long de l’avenue Antártida Argentina pour vendre des épinglettes et tasses de café à l’effigie de l’ex-chef d’État et de son défunt époux Nestor, président de 2003 à 2007.

Les partisans de différents partis politiques de gauche et syndicats brandissent des drapeaux avec la figure de Mme Kirchner. D’autres Argentins agitent le drapeau national. Une femme tient une pancarte en carton sur laquelle est écrit en espagnol : «Le pouvoir judiciaire, bourreau de la démocratie.»

La justice argentine a ouvert une enquête suite aux soupçons qui pèsent sur la relation entre Mme Kirchner et ses proches avec l’homme d’affaires millionnaire Lazaro Baez, emprisonné pour blanchiment d’argent le 5 avril 2016. Le juge Julián Ercolini cherche à déterminer si le gouvernement des Kirchner a concédé des projets fictifs de travaux publics à M. Baez «pour s’approprier illégalement des fonds publics».

Depuis son arrivée au pouvoir en décembre 2015 avec une petite majorité, le président Mauricio Macri a fait de la corruption son cheval de bataille. Pourtant, le pourfendeur de la corruption a été cité dans les Panama Papers. Selon le rapport de 2015 de l’organisation Transparency International basée en Allemagne, l’Argentine est le 107e pays le plus corrompu sur 167 nations. En outre, 77% des Argentins qui ont répondu au questionnaire considèrent que les efforts du gouvernement pour mettre fin à la corruption sont inefficaces.

Mme Kirchner est la première d’une longue liste d’employés haut placés de son administration qui se présenteront devant le juge dans cette enquête de corruption. À titre d’exemple, José Lopez, l’ancien secrétaire d’État aux travaux publics sous le gouvernement de Mme Kirchner, est inculpé pour enrichissement illicite. Il est actuellement détenu dans le pavillon psychiatrique d’une prison de la banlieue de Buenos Aires après avoir été attrapé en train de lancer 160 sacs contenant des devises étrangères et des montres, par-dessus le portail d’un monastère. Il apparaîtra devant le tribunal fédéral Comodoro Py le 3 novembre 2016.

«Cela n’a aucun sens. C’est une manœuvre du gouvernement actuel afin de couvrir le désastre économique,» a déclaré Mme Kirchner lors d’une conférence de presse à la sortie du tribunal.

Malgré de nombreuses sagas judiciaires qui accablent la nation d’Amérique latine, les ennuis de l’ancienne présidente scandalisent ses adulateurs. «Nous sommes en faveur du fait que n’importe quelle personnalité politique accusée se présente devant la justice, mais la comparution de Mme Kirchner est liée à une persécution politique due à son indiscutable pouvoir populaire,» dit Lucia Medina, employée de 37 ans au sein du secrétariat des droits de l’Homme du gouvernement.

«Il y a eu des cas isolés de corruption [pendant l’administration des Kirchner], mais le gouvernement de Mauricio Macri est fondamentalement corrompu, car il représente un modèle néo-libéral qui enrichit les plus riches et appauvrit les plus pauvres. Ce procès souligne donc l’hypocrisie générale,» ajoute-t-elle.

Alors que des adhérents d’un parti politique péroniste – issu du mouvement populiste créé par l’ancien président Juan Perón dans les années 1940 – se mettent en marche en jouant de la trompette, Laura Masucheli, une retraitée de 74 ans, et son amie se tiennent près des forces de police alignées devant la porte du tribunal afin de s’enquérir des derniers développements.

«Ce procès est une honte. C’est un mensonge,» dit Mme Masucheli. «Les gens ne veulent pas comprendre ce qu’est le populisme: c’est la justice au service du peuple. Aucun gouvernement n’a autant promu la culture, la science et les services sociaux pour les plus démunis que celui des Kirchner,» explique-t-elle.

Influencés par les véhémentes déclarations de Mme Kirchner, ses partisans sont persuadés que le gouvernement de centre-droit de M. Macri conspire contre l’ancienne administration populiste. «La justice s’attaque à Cristina afin qu’elle ne puisse pas se représenter à l’élection présidentielle. La même chose est en train de se passer au Brésil avec [l’ex-président] Lula,» dit Alejandro Garfagnini, le coordinateur national du mouvement pour la libération de la dirigeante socialiste Milagro Sala. Elle fut emprisonnée pour détournement de fonds deux mois après l’élection de M. Macri.

«C’est un nouveau plan Condor pour toute l’Amérique latine,» indique-t-il, en référence à la campagne d’actions clandestines et d’assassinats que les services secrets de l’Argentine, du Chili, de la Bolivie, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay ont menée avec le soutien tacite des États-Unis dans les années 1970.

Pourtant, une grande partie de l’opinion publique et de la classe politique ont conscience du problème structurel de la corruption en Argentine. La députée de gauche Margarita Stolbizer, notamment, dénonce dans son livre Yo acuso («J’accuse» en espagnol) les nombreuses irrégularités pendant les douze ans de règne des Kirchner. Selon elle, Mme Kirchner est «la plus corrompue de l’histoire démocratique argentine.»

Cet article a été publié dans The Huffington Post le 1er novembre 2016. Cliquez ici pour le lire.

Kamilia Lahrichi

Kamilia Lahrichi is a foreign correspondent and a freelance multimedia journalist. She's covered current affairs on five continents in English, French, Spanish and Arabic.

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