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Maroc-Argentine: une relation à fort potentiel

BUENOS AIRES – Les investisseurs étrangers grincent les dents depuis que l’Argentine se trouve en situation de défaut de paiement pour la deuxième fois en treize ans.

Si les problèmes financiers de Buenos Aires menacent de déstabiliser le commerce régional, il est peu probable que cela affecte les relations commerciales avec des pays tels que le Maroc.

«Je ne pense vraiment pas que la situation financière de l’Argentine aura un impact sur les relations bilatérales avec le Maroc. Il s’agit d’une situation très particulière parce que, malgré cet état de fait, l’économie argentine jouit d’une bonne santé,» explique Fouad Yazourh, Ambassadeur du Maroc en Argentine.

Commerce bilatéral

Le Centre marocain de Promotion des Exportations ainsi que son homologue argentin ont signé des accords sur le commerce, la pêche et la coopération. D’autres traités de coopération bilatéraux portent sur l’agriculture, l’équipement, la diplomatie et le sport.

En 2004, les États membres du MERCOSUR (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay et Venezuela) ont signé un pacte commercial avec le Maroc afin de négocier un accord de libre-échange. Ce bloc commercial en Amérique latine favorise la libre circulation des biens, des services et des personnes entre les États membres.

Dix ans plus tard et en dépit de multiples opportunités commerciales, les échanges entre l’Argentine et le Maroc demeurent modestes et irréguliers avec un déficit chronique au détriment du royaume.

Les exportations du Maroc vers la nation sud-américaine ont chuté de 103 millions de dollars en 2012 à 28 millions de dollars en 2013, selon le Conseil national du commerce extérieur (CNCE), un centre de réflexion basé à Rabat. Les importations du Maroc en provenance de l’Argentine ont également diminué – de 573 millions de dollars en 2012 à 434 millions de dollars en 2013.

«Du fait de l’inflation, l’Argentine est en processus de substitution des importations [une politique de développement industriel préconisant le remplacement des importations étrangères afin d’encourager la production nationale]. L’objectif du gouvernement actuel est de réduire ses importations pour protéger l’économie locale, comme les matières premières et le secteur de la fabrication,» explique Walid Al Kaddour, secrétaire de la Chambre de commerce arabo-argentine à Buenos Aires.

À titre de comparaison, l’Argentine a exporté approximativement 484 millions de dollars vers le Maroc et importé près de 45 millions de dollars en 2013, selon les statistiques de la Chambre.

Le CNCE indique que le Maroc achète avant tout des céréales d’Argentine avec des importations atteignant 193,5 millions de dollars en 2013, environ 35% de la totalité des importations. L’Argentine est le quatrième fournisseur de céréales du Maroc.

Les résidus et déchets des industries alimentaires représentaient près de 23% des importations totales, ou 175,7 millions de dollars en 2013. Le royaume importe également des graisses, huiles animales et végétales, des viandes et abats comestibles, ainsi que des huiles et combustibles minéraux.

Le pays sud-américain achète principalement des engrais au Maroc – 98,1% des exportations totales ou 41,3 millions de dollars en 2013. En dépit du fait qu’il recèle d’environ deux tiers des réserves de phosphate mondiales, le Maroc était le sixième fournisseur d’engrais de l’Argentine en 2013 après le Mexique, le Venezuela et la Chine.

«En principe, le potentiel des deux pays donne à penser que l’Argentine et le Maroc ont de fortes relations commerciales. Pourtant, malgré d’excellentes relations diplomatiques, les hommes d’affaires marocains et argentins ont tendance à commercer avec des nations géographiquement plus proches et avec une proximité linguistique», admet l’ambassadeur Yazourh.

Les principaux partenaires commerciaux du Maroc sont la France et l’Espagne – anciennes puissances coloniales. Quant à l’Argentine, ce sont les pays du MERCOSUR, le «marché commun du Sud».

«La croissance du commerce bilatéral n’est pas aussi élevée que nous le souhaitons. Nos hommes d’affaires préfèrent négocier avec l’Europe, l’Afrique ou le monde arabe, car ces régions sont plus proches et ils y ont déjà consolidé des partenariats», ajoute-t-il.

Echange gagnant-gagnant

Néanmoins, le Maroc et l’Argentine bénéficieraient d’un accroissement des échanges commerciaux. Pour le royaume, l’Argentine représente un important marché de 41 millions de consommateurs.

«Les produits des deux pays ne sont pas en concurrence directe – même si certains produits agricoles sont vendus dans les deux pays – car ce sont des marchés différents», explique l’ambassadeur Yazourh.

La nation sud-américaine offre aussi un accès aux pays du MERCOSUR. De l’autre côté de l’Atlantique, le Maroc est la porte d’entrée vers les marchés d’Afrique du Nord, d’Europe et du Moyen-Orient.

«Le Maroc est un pays stratégique et il est la troisième destination des exportations de l’Argentine vers le monde arabe, après l’Algérie, l’Arabie saoudite et l’Égypte. Par exemple, l’Argentine exporte plus vers le Maroc que vers les Émirats arabes unis», déclare M. Al Kaddour.

En outre, près d’un cinquième des Marocains parlent espagnol. Bien qu’il n’y ait pas de statistiques officielles, environ 10 000 Espagnols ont immigré au royaume suite à la crise économique actuelle en Espagne.

À plus forte raison, le Maroc a produit 50 000 milliards de tonnes de phosphate en 2012, en comparaison avec 3 700 milliards de tonnes pour le deuxième fournisseur mondial – la Chine – selon le Centre International de Développement des Engrais, une organisation internationale basée aux États-Unis qui traite de thématiques telles que la sécurité alimentaire.

Le phosphate est essentiel pour les ressources alimentaires de la planète, car celles-ci dépendent de manière alarmante des engrais phosphatés. Avec une population mondiale en pleine croissance et donc qui consomme davantage de céréales, de viande et de biocarburants, la demande pour le phosphate augmentera certainement.

Les réserves de phosphate, par ailleurs, sont en baisse presque partout dans le monde sauf au Maroc. Les ressources de phosphate aux États-Unis, qui produit 17% de la production mondiale, ont diminué au cours de la dernière décennie, à titre d’exemple.

«Nous espérons que le commerce de phosphate évoluera vers un partenariat plus solide – comme avec le Brésil avec lequel nous avons installé une usine au Maroc pour transformer le phosphate en engrais – afin d’aider l’agriculture d’une puissance agricole comme l’Argentine,» explique Ambassadeur Yazourh.

Les échanges commerciaux entre le Maroc et le Brésil sont, en effet, plus importants. En 2013, l’Office Chérifien des Phosphates – un organisme national et la plus importante entreprise industrielle du royaume – a racheté 50% des parts de Bunge Limited, un groupe brésilien, dans la joint-venture Bunge Maroc Phosphore. Ce groupe est spécialisé dans la production d’engrais et de produits à base de phosphate pour ses filiales en Amérique latine.

«Les relations entre l’Argentine et le Maroc sont susceptibles de croître dans les prochaines années, tout comme la relation entre l’Amérique du Sud et le monde arabe. L’Amérique du Sud est un producteur important de denrées alimentaires au niveau mondial tandis que la région [Moyen-Orient et Afrique du Nord] a une population en plein essor», selon M. Al Kaddour.

Maintenir des liens forts

Le Maroc et l’Argentine ont établi une relation diplomatique en 1960.

«C’est une nouvelle conception de la coopération Sud-Sud. Cela ne signifie pas que nous sommes contre le Nord. Bien au contraire, cette coopération se fait avec le Nord, mais sans son diktat, car les pays du Sud ont une dynamique, une culture des droits de l’homme et des rythmes de réforme différents,» soutient l’ambassadeur Yazourh.

 

Cet article a été publié dans The Huffington Post le 16 août 2014. Cliquez ici.

Kamilia Lahrichi

Kamilia Lahrichi is a foreign correspondent and a freelance multimedia journalist. She's covered current affairs on five continents in English, French, Spanish and Arabic.

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